18 janvier 2009

Tranche de vie

« J'ai mis un pansement sur mes plaies et j'ai choisi de continuer mon chemin de gravelle sans trop savoir si celui-ci se paverait un jour. Je n'y pensais plus trop, j'attendais. Je flottais. Pour une fois. J'étais ni bien, ni mal, mais stable. Je ne pensais plus à nos anciens baisers mouillés ni à ses boucles noires, je pensais à l'herbe presque verte en bordure de l'autoroute, au tournesol que je savais prêts à éclore de l'autre côté, je pensais aux courbes naturelles de la route, au tracteur rouge sans vaches à ses côtés, je pensais à rien mais instinctivement, je savais.

J'ai éteins la voiture sereinement, j'ai ouvert le coffre-à-gant et j'ai remis mon coeur à la bonne place, au milieu de ma poitrine. Je me suis regardé dans le rétroviseur ; j'avais les joues rouges, les cheveux longs et ondulés, une petite camisole noire et j'étais prête à apprendre, à m'imprégner de ses locaux, de ses bâtiments, qui allaient devenir miens, qui allaient devenir ma maison d'adoption, je l'avais décidé.

Je me suis regardée longtemps, j'étais belle. Intimidée, mais belle. Pour une fois.

Je suis entrée, j'ai serré des mains, j'ai vu des visages, je cherchais le sien, pas le même qu'aujourd'hui. J'ai lu, j'ai hésité, j'ai piétiné un peu, je me suis déguisée, rhabillée, et j'ai su que j'avais pris la bonne décision. Je me dressais devant l'inconnu pour une des nombreuses fois de ma vie et je souriais, heureuse et comblée.

J'ai suivi le sentier jusqu'au bout, marché sur le petit pont et au travers des arbres, pour déboucher sur la clairière où des hommes et des femmes ont construit, il y a de cela des années-lumières, un moulin et une maison, toujours fiers et immuables. Je me souviens d'avoir été vaguement émue en avançant vers le moulin, avec le petit vent de mai qui sifflait entre les feuilles des grands arbres, avec le bruit du gravier contre mes sandales, avec le sourire de cet homme qui se tenait au bout du chemin, à l'ombre du moulin.

Et puis j'ai su. J'ai su toutes les réponses aux questions que je m'étais posée cent fois plutôt qu'une, j'ai su que j'étais là où je devais être, exactement à ce moment-là, encore plus que toutes les fois où j'avais cru l'être auparavant. Devant lui, avec mes joues et mes lèvres de bonbon, avec mes yeux illuminés, avec mon sac-à-dos de peine déposé à l'entrée du domaine, mon coeur prêt à battre de nouveau, j'ai su que je passerai le plus bel été de ma vie. »

0 commentaires: