13 avril 2010

Dans un rond de fumée

Autour de la shisha, hier. On était assis sur des coussins indiens, il faisait un peu chaud, il y avait des drôles de chant qui sortaient d'on ne sait pas trop où, des hauts-parleurs bien cachés. J'avais mis mes jambes contre moi alors qu'il étendait les siennes sous la table. Je me recroquevillais dans le moment, mes babouches assorties à mes vêtements - comme toujours, comme toujours.

Il m'a dit, alors, c'est vrai ou pas que tu as quelqu'un dans ta vie?, et j'ai pensé au Hippie qui est si gentil, au Hippie qui reste éveillé très tard la nuit à boire du thé et à disserter en japonais ou en arabe, et j'ai souri un peu. Je sais pas trop, c'est compliqué. J'ai fait un geste de la main, et il a ri. Tu peux m'en parler, si tu veux. Non, je veux pas vraiment t'en parler. J'ai haussé les épaules. Il a ri encore. Ah, tu sais quoi ? Je sais pas si j'ai vraiment envie d'entendre ça, anyway.

J'ai souri un peu, encore, moi aussi.

On ne parlait pas, on se contentait d'essayer de faire des ronds de fumée avec plus ou moins de succès. On était assis nonchalament près l'un de l'autre, le thé faisait des volutes de fumée lui aussi, il était brûlant, je venais d'en renverser partout sur lui, je savais que tu allais faire un dégât, calisse ! et le soleil filtrait à travers les rideaux perlés.

J'ai eu envie d'être ailleurs, vraiment en Inde, ou juste ailleurs, pas obligé que ça soit aussi exotique, juste un endroit où être avec lui sans que ce soit compliqué. Tu penses à quoi ? qu'il m'a demandé. Je pense « je t'aime, je t'aime, je t'aime » et il a ri, tu ne peux pas m'aimer, tu ne t'aimes pas toi-même, tu ne peux pas m'aimer et j'ai ri, comme si tu t'aimais, comme si tu t'aimais! et on a ri encore plus fort parce que fuck, on le sait tellement qu'on s'aime.

De quoi tu as envie? qu'il a dit, même s'il connaissait la réponse. Je sais pas, Marc. J'ai envie de choses que tu ne peux plus m'offrir. Il a eu l'air perplexe. Comme quoi ? J'ai souri. Comme un baiser, comme une main, comme ta barbe dans mon dos en me réveillant, comme...

Je sais pas si c'était la vapeur de la shisha ou quoi, comme mon pénis bien dur pour commencer une journée du bon pied et j'ai ri, ri, ri, arrête de faire ton matcho insensible, gros bébé, ça marche pas.

On était juste bien, comme ça, pis j'ai pensé que oui, tsé, j'aimerais ça faire l'amour avec Marc encore. Il essaie toujours de me questionner sur ça et j'évase, j'évite, je fais un blocage. Pourquoi tu ne veux pas me parler des autres gars ? Et qu'est-ce que vous voulez que je réponde, tsé? Je veux pas parce que chaque fois je fini par imaginer que c'est toi.

Il a rien dit, il a baissé les yeux, a bu une gorgée de thé. Penses-tu qu'on va être capable de travailler ensemble cet été ?

Honnêtement, non. Il a rien dit. Moi non plus, je crois pas. Je n'ai pas bougé, j'ai écrasé mes jambes contre mon ventre, je crois que j'ai oublié de respirer. Alors, on fait quoi ?

Il a soupiré. Je sais pas. On dit que oui, oui, on va être capable, on fait comme si on se croyait et un jour on va sûrement finir par y croire. On est des comédiens, crisse.

Un temps.

Oui mais moi, avec toi, je ne joue pas.

Un autre temps.

Ah non, tu fais quoi ?

J'ai déposé doucement ma tasse contre la céramique de la table basse et j'ai posé mes jambes endolories sur les siennes. J'ai pensé à cette belle phrase-là, je sais pas trop pourquoi Marguerite Duras m'a poppé dans la tête, je fais même pas de travail sur elle, mais « je n'ai jamais écrit, croyant le faire, je n'ai jamais aimé, croyant aimer, je n'ai jamais vraiment rien fait qu'attendre devant la porte fermée. »

Il s'est levé. La shisha était éteinte et moi aussi, un petit peu.

Amé...tu ouvres des portes partout où tu passes.

J'ai souri encore, encore, encore, encore.

Crisse que je t'aime.

1 commentaires:

Noisette Sociale a dit…

Je ne sais pas comment ça va finir cette histoire-là... ou si elle va finir par recommencer...

Mais je sais que tu l'écris divinement bien.

:)