26 mars 2009

WOYZECK

Courez-s'y, si vous le pouvez encore. Je ne sais pas s'il reste des billets. Sûrement. C'est pas le genre de théâtre qu'on va voir avec sa première date. Y'a Sherazade pour ça.
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Woyzeck est une pièce fragmentaire, pour cause de décès prématuré de l'auteur à 23 ans. 23 ans. Il n'avait que 23 ans. Tu regardes la pièce, tu la lis, et tu te dis, wow. 23 ans. Croyez-moi.
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Je ne sais pas de quoi ça parle. Ça parle sans doute de la peine d'un homme qui est incompris, ou que personne ne tente de comprendre. Ça parle des pauvres et des femmes pauvres qui bercent des enfants jusqu'à ce que les enfants soient grands. Ça parle des cris et des corps qui luttent pour avoir un peu de chaleur dans un univers perdu entre l'Allemagne des années 1800 et le Québec intemporel.
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C'est une adaptation et la metteure en scène (douce déjantée Brigitte Haentjens à qui l'on doit, à titre référentiel, Blasté, il y a quelques hivers) a choisi d'y intégrer des bouts de chanson québécoises, des chansons qu'on ne s'attend pas à trouver dans son théâtre, du Claude Dubois, Jean Batailleur, des rengaines folkloriques, bref, à milles lieux de Woyzeck et de sa complexité. Et pourtant, ça fonctionne. Ça fonctionne parfaitement.
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Mes coups de coeur ? Les chorégraphies, qui parlent parfois plus forts que les mots. Des mouvements secs, durs, de la violence physique comme je n'en ai rarement vu au théâtre. Des scènes entières de coups et de poings et de morsures. Brillant.
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Les mots aussi, bien entendu. Une citation que je me suis entrée de force dans la tête pour ne pas l'oublier : « C'est un beau ciel dur et gris. On aurait envie de poser un crochet dedans pour se pendre. »
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Et les acteurs. J'avais peur d'être contaminée par ce qu'ils ont pu faire avant cette pièce. Marc Béland, t'sé, Renaud dans Annie et ses hommes, t'sé, « c'est vendredi,on fait l'amour ! », bin il m'a jeté par terre. Un Woyzeck très loin de Renaud, un Woyzeck sensible et délicat, éteint et tellement allumé à la fois. Sébastien Ricard, notre Dédé à travers ses brumes, aussi. Brutal, viril, sexuel.



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Et l'enfant. Le petit garçon, le petit bout d'homme qui apparaît vers la fin de la pièce. Ça m'a tordu les tripes et tous les autres organes aussi. J'en aurai presque pleuré. C'est déstabilisant, voir un petit gars comme ça, qui arrive, à qui l'on parle comme à un adulte, j'ai presque eu envie de crier quand je l'ai vu regardé le corps de sa maman assassinée. C'est la première fois que je voyais ça, ailleurs que dans du théâtre destiné aux petites abeilles comme ça, je veux dire.
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Enfin, un trop long message pour une pièce qui passe comme un éclair, comme un coup de poing. Alice et moi, on se regardait comme si on savait pas trop quoi dire. En fait, on savait pas trop quoi en dire. Moi ça a mijoté longtemps dans ma tête avant que je sois capable d'en esquisser des mots. On a essayé d'analyser nos réactions, nos émotions, mais ça se peut pas.
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Je crois que ma vision du théâtre a changé hier soir. Et je vais abonder dans le sens d'un de mes profs qui a dit, à propos de la même pièce, « je pense que ça, c'est vraiment ce qui se rapproche le plus de la personnification de l'Art. »

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