15 novembre 2009

Collation des grades

C'était long, même interminable, il faisait chaud, ils nous ont fait répéter trois fois l'ordre de cérémonie avec nos grosses toges noires et nos mortiers inconfortables, j'avais mal à la tête et la musique c'était comme l'Ave Maria mais version techno.


Ça a duré presque 4 heures et j'ai passé 4 heures à faire une introspection sur moi-même, toute seule dans mon banc dans cette mare humaine grouillante, suante et toussotante.

La cérémonie se déroulait dans la salle où nous avons joué tant de pièces, tant de scènes, tant de fois. Ça faisait tout drôle. J'ai repensé à la première fois où je m'y suis assise, la première fois et on me demandait déjà de me mettre à nue en me racontant à des dizaines d'inconnus. Je ne me souviens plus ce que j'avais raconté, rien de très profond, je crois, j'étais terrorisée. C'est sur cette scène là que j'ai aussi raconté quotidiennement mes joies, mes peines, la vie, l'amour, la mort. J'y ai joué Antignone d'abord, à reculons, et durant la représentation, ça a été le déclic de ma vie : j'ai besoin de ça pour continuer, j'ai besoin du théâtre, tout de suite, là, maintenant.

Justement, j'en ai fais beaucoup par la suite. Et je me suis revue lors de la dernière pièce, fébrile, dans ma belle robe de bal bleue, avec mes cheveux scintillants, mes répliques grinçantes, et il me semble que j'étais heureuse, j'avais la vie devant moi, un amoureux hors du commun qui m'attendait dans le public, et je m'étais jetté dans ses bras, après, pour sentir son odeur, la fermeté de son corps et l'embrasser. Je croyais fermement que c'était la dernière fois que je jouais, alors j'en avais profité à fond, avec un plaisir inconnu jusqu'à maintenant.

Pendant les quatre longues heures j'ai revu mentalement les grincements de dents, les soupirs, les pleurs aussi. Quand l'amie-lumère et moi on se chicanait trop intense pour mon Pierrot Lunaire, ce gars-là qui me virait le coeur à l'envers mais dont tout le monde me faisait sentir coupable parce que j'aurais don pas du ressentir ça pour lui. J'ai souri en repensant à ses dreads et à son sourire. J'ai pensé aussi aux éclats de rire, aux beaux moments, aux instants où la justesse du jeu de mes camarades me serrait le coeur, aux scènes ratées aussi.

J'ai pensé que le théâtre c'était un peu comme ma vie, que cette salle-là me connaissait intimement, finalement.

Quand ce fut finalement mon tour d'aller chercher mon diplôme, j'ai grimpé dans les escaliers avec confiance, sans penser à rien, juste en profitant du feeling retrouvé : la salle comble, les applaudissements, les poignées de main et les accolades de mes professeurs. Oui, j'ai réussi. J'ai complété un diplome d'études collégiales en arts & lettres, mais plus que les connaissances, c'est surtout le côté humain et les expériences qui vont me rester de ces deux années-là.

J'ai presque 20 ans, je suis diplômée, je suis dans un tournant de ma vie insoupçonné il y a quelques mois, quelques semaines seulement, et j'aurai tellement eu envie que Marc soit là pour m'embrasser quand je suis descendue de la scène.

Mais il n'était plus là, il y avait par contre les visages triomphants de mes parents et de ma grand-mère, et je me suis dis que c'était sans doute le temps pour moi de continuer sans lui, et advienne que pourra.

Mais quand la violoniste et la violoncelliste ont joué What a wonderful world,, je me suis surprise à essuyer une petite larme, parce que j'aimerais don ben ça pouvoir dire ça, what a wonderful world, en le pensant vraiment, comme avant.

Mais ça s'en vient, je crois. De plus en plus, de jour en jour, ça s'en vient.

Une autre étape de ma vie sans Marc, et je crois que bientôt, j'arrêterai de m'attendre à sa présence à mes côtés.
Bientôt.

1 commentaires:

Terminé a dit…

Ce billet est empreint d'une certaine nostalgie qui me touche beaucoup. Dis-toi que ce diplôme est la porte d'entrée pour les belles années qui t'attendent. Félicitations!