4 décembre 2009

Téléroman

Ça fait trois fois que je recommence ce message-là. Y'est temps que je l'écrive une bonne fois pour toute.

Depuis mardi, depuis le courriel, depuis le hang-over, j'appréhendais autant que j'attendais avec impatience mon jeudi soir, mon incursion au sein de l'univers de Minou dont je ne fais plus officiellement partie.

Parce que oui, Téléroman nous accueille dans une salle expérimentale située au plein coeur de l'École Supérieure de Théâtre, dans les locaux où les étudiants répètent, suivent leurs cours, y vivent carrément pendant plusieurs semaines.

Et, franchement, ça me terrorisait.

Heureusement, j'étais avec une amie-sourire du bac qui n'avait aucune idée de ce que je pouvais bien vivre, dans mon petit coeur. Ça évite les épanchements émotifs en public, ça. 'Lui ai raconté brièvement mon histoire avec Marc en soupant - on s'est aimé vraiment vraiment fort pis un moment donné il a décidé que c'était pas assez, que c'était pas ça, qu'il voulait du temps...pis moi ben, je l'aime encore. C'toujours comme ça.

On est monté doucement au troisième étage du foutu pavillon J de l'UQAM que j'évite soigneusement en temps normal, et j'avais l'estomac nouée par...par je sais pas quoi. Par la boule d'émotion qui était restée prise dans ma gorge depuis deux jours. Quand j'ai vu son nom en grosse lettre sur la pancarte, j'avais tellement envie de pleurer mais non, c'était pas le moment. On a attendu en silence que les portes ouvrent, que quelqu'un déchire nos billets, et moi j'essayais de ne pas chercher l'Émilie dans les gens qui circulaient, chandail EST-UQAM bien en vue.

Mais évidemment, c'est toujours plus fort que nous, que moi en tous cas, j'ai fini par la trouver. Elle est belle, oh, elle est très belle. Très, trop belle. J'ai grimacé. Elle ne pouvait pas être plus différente que moi : elle est grande, elle est mince, elle a les cheveux longs jusqu'à la taille - et ce n'est pas une exagération! - et elle est rousse. Je me suis inspectée, juste pour être sûre que c'était ironique : je suis un petit bout de femme de 5 pieds et des poussières, je suis toute ronde, j'ai les cheveux aux épaules d'un noir foncé, et je ne suis pas très belle.

L'amie-sourire avait bien hâte de voir c'était qui, mon ex. J'ai souri tristement, tu vas voir,moi je me demande encore comment ça se fait que ce gars-là était avec moi, j'arrive plus à saisir pourquoi il m'aimait. On est entrée dans la salle et je me suis exclamée un holy shit bien sentie. C'était très urbain, très déconstruit. Des grandes clotures de fer, des rangées de sièges presque en estrade, et deux petites rangées plus intimes près de la scène, où je me suis précipitée, parce que les hauteurs et le recul, non merci. Je suis comme ça au théâtre, j'aime mieux le malaise d'un comédien qui me parle presque dans le blanc des yeux. Surtout si c'est Minou.

J'inspecte de coups d'oeil furtif la salle parce que je me demande si Ex-Belle-Famille sera là ce soir, parce que je viens de réaliser que c'était la première. Dieu seul sait à quel point je hais les premières. Avoir su, j'y serai allée la semaine prochaine, mais je pense que je pouvais juste plus résister à l'idée de voir Marc en chair & en os.

Les comédiens commencent à entrer sur scène, même si la pièce n'est pas officiellement commencé. J'adore ces instants, pour l'avoir jouer l'an passé. L'entrée progressive permet aux spectateurs de faire les voyeurs, de zieuter, de commenter à voix haute, ce dont je ne me prive jamais. Jusqu'à ce que Minou arrive. Bang bang dans mon coeur, mains crispées, c'est lui. Grands yeux de la part de l'amie-sourire, wohh,shit. Oui. Ben oui. (C'est parce que vous l'avez jamais vu mon Minou. Les plus perspicaces l'auront trouvé sur mon Facebook dans mes photos mais autrement...)

La pièce commence, c'est trash, c'est urbain, ça cogne déjà de partout. Je sens que je vais adorer. Des grands monologues très forts, des grandes images, des îles, bleu rouge, une jeune femme en drame.

Puis, c'est Marc, et je retiens mon souffle. Je connais ses répliques, il est cent fois meilleur qu'au début de l'automne. Petit pincement au coeur, c'est sans doute elle qui l'a fait répété, elle a eu le rôle que j'aimais tant. Il est beau,mon Dieu, il est beau. Puis, il dit elle m'aime radicalement en me regardant directement dans les yeux et je vous jure que c'est vrai, c'était presque arrangé avec le gars des vues. Il repart, et ça continue. Il revient, torse nu, et j'en tombe presque en bas de ma chaise. Il a pris 20 lbs de muscle depuis la dernière fois qu'on s'est vu nu. Je jete un regard furtif à elle , bien installée en haut, à la régie. Je ne peux même pas lui en vouloir, Minou est tellement...tellement...tellement!

C'était bon, très très bon. Je parle de Minou parce que j'avoue que j'étais distraite par lui, je scrutais chacun de ses gestes, les fesses sur le bord de ma chaise, le rire aux bords des lèvres, les larmes aux yeux. Ça m'a tellement fait du bien de le voir ,de l'entendre. Je pouvais presque goûter la saveur de sa sueur. À la fin, je trouvais que ça méritait don ben une standing-ovation, mais non. On ovationne tellement tout le temps pour rien au théâtre, pis pas cette fois-là!

Oui, la pièce s'appelle Téléroman, mais c'est surtout là que le vrai sens du titre de mon message entre en ligne de compte. Les comédiens reviennent sur la scène saluer, puis ils sortent, les lumières s'allument et moi je perds toutes mes bonnes convictions. Je cherche Marc. Je veux voir Marc. Je DOIS voir Marc. Il est dans le fond de la salle, dans une escalier, un peu en hauteur. Je m'enligne vers lui, j'ai le sourire au bord de l'explosion tellement ça me fait mal, je m'avance, mon amie-sourire reste un peu en retrait, et comme j'arrive dans la lumière, à sa hauteur...

(Et je vous jure que c'est vrai. Avoir été dans un film ça aurait pas été mieux.)

Donc, comme j'arrive à sa hauteur, son Émilie me dépasse en courant, ses cheveux dans le vent flottant derrière son dos, et elle lui saute dans les bras.

Enfin, je présume que c'est ce qu'elle a fait, parce qu'au moment où je me suis aperçue qu'elle courait vers lui, j'ai fait le tour de moi-même et je me suis dirigée vers la sortie sans me retourner.

On a marché en silence vers le métro, on disait des banalités sur la scénographie et sur l'intrigue et moi je me répétais mentalement que je venais de perdre. J'avais envie d'y retourner, de la tasser, de l'embrasser, de la battre s'il le fallait, de lui arracher ses grands cheveux, j'avais envie d'avoir été plus rapide, d'avoir déjà été à côté de Marc avant qu'elle n'arrive, j'avais envie des baisers échangés après sa première pièce l'an passé, des mots doux, j'avais envie que tout ça ne soit jamais arrivé, j'avais envie de rembobiner un petit peu notre histoire.

Je sentais la grosse boule d'émotion se coincer de plus en plus dans ma poitrine, et j'avais plus qu'envie de simplement me laisser aller, assise sur un banc terne du métro. Fuck le reste de l'univers, laissez-moi pleurer un peu, ça fait mal des larmes comme ça, emprisonnées.

Pas moyen de pleurer. Je me rends à ma voiture, je regarde mon cellulaire, tant pis. J'appuie sur la touche de composition rapide 7, Appel Marc-André :). Je m'attends à converser avec sa boîte vocale, quand j'entends, derrière beaucoup de bruits, Allo ?

Ah ben viarge.

-Salut, c'est moi...
-Qu'est-ce qui a? Es-tu correcte ?
-Ben là...C'était ÉCOEURANT Marc ! WOW !
-...Hein ? T'es venue voir le show ?
-...Ben oui, j'étais assise première rangée, tu aurais pu me postiller dessus, arrête de me faire croire que tu m'as pas vu.
-Ben oui je t'ai vu mais j'étais pas certain, je t'ai pas vu avec tes nouveaux cheveux foncés, pis à la fin je te cherchais mais je t'ai pas vu alors je me disais que ça devait juste être une fille qui te ressemblait !
-Ben quand j'ai voulu aller te parler, Émilie m'a volé la vedette...
-...Donc t'es venue voir le show juste pour m'espionner?
-...Eille gros nono, je suis venue te voir parce que tu es le meilleur comédien de l'UQAM pis parce que j'avais le goût de voir ton show, je peux-tu ?
-...Ahhhhh tu aurais du venir me parler, blablabla...

On parle pendant une demie-heure, mais il doit se sauver, les gens pop! le champagne derrière. Maudites premières...

-Je dois partir, y'a du champagne et ça cri beaucoup trop autour, je t'entend pas super bien.
-Ok oui, je vois. Je vais t'écrire un courriel anyway. Est-ce que je peux te rappeler une autre fois ?
-...Ben je vais être occupée dans les prochaines semaines jusqu'au 21 mais...
-Ok ben après la session pendant le congé de Noël je t'appelerai et on pourrait, je sais pas, aller prendre un café!
-...Oui ben...Amé...calisse... * il chuchote * Je sais pas,...j'ai quelqu'un dans ma vie maintenant, pis quand je te parle, ben...ça me mélange...calisse que je suis mêlé...
-Je vois...bonne soirée.
-Chow...

Je raccroche.

Je regarde mon cellulaire.

J'appelle Claudine à Québec.

-Allo ?
-...*crise de larmes et propos incohérents * C'est ma faute si je suis pu avec Marc, je l'aime tellement, pourquoi j'ai pas été capable de lui prouver que j'étais celle qu'il croyait que je suis, j'ai tout gâché, je l'aime, je veux juste revenir en arrière quand on avait pas de problème quand c'était moi qu'il aimait pis pas peut-être une guidoune avec des gros seins, je m'ennuie de lui je veux juste qu'on...blablablabla...

Ça a duré le temps de Claudine, Erika et ensuite Valérie, toutes les trois au téléphone. Puis j'ai échoué dans un Tim Horton jusqu'à 4hrs du matin avec Valérie, ex-belle-soeur-préférée, qui vit aussi des moments difficiles avec Ex-Beau-Frère, 10 mois après leur rupture. On a jasé longtemps,longtemps,longtemps,longtemps...

Et j'en suis venue à la conclusion que...y'a pas de conclusion à tirer encore.

Je ne vais pas le rappeler. Je vais laisser aller les choses. Tant pis.

S'il a besoin de se convaincre qu'il est mieux sans moi, c'est son problème, pas le mien. Je vais...juste terminer ma session, commencer ma job à la SAQ, m'occuper, éviter de penser qu'il doit être en train de coucher avec cette fille-là en ce moment, fêter la nouvelle année, commencer mon nouveau bac, me concentrer sur mes auditions.

Garder le cours de danse-théâtre, parce que fuck off. Je le veux ce cours-là, je vais l'avoir.

C'est pas mal ça.

Ma vie, c't'une calisse de télésérie cheap.

1 commentaires:

Alexe a dit…

Tu garde le cours !? DAAAAAAMN que je suis fière de toi ma belle Amé d'amour =D

Oh, et si je peux te donner un conseil: Supprime-le de ton cellulaire. Je sais pas, mais le rappeller, c'est pas une bonne idée.

C'était mon idée du jour.